Chaque année, à l’approche du nouvel an, je m’accorde une parenthèse créative : la rédaction de vœux originaux, qui procureront — je l’espère – un peu de plaisir à leurs récipiendaires. Être original dans un exercice aussi convenu n’est pas facile, c’est même un défi intellectuel, et le réussir est jouissif.

Cette année, deux des destinataires ont insinué que j’avais demandé à une IA de les générer. C’est doublement vexant, puisque penser que mes vœux sont l’œuvre d’une IA signifie qu’à leurs yeux, je ne suis pas capable d’une telle créativité, mais qu’une IA, en revanche, l’est, me surpassant largement. Je leur épargnerai l’année prochaine l’angoisse du doute en les écartant de ma liste.

Mais cette réaction est symptomatique de l’époque. L’engouement pour l’IA générative semble sans limites et peu ou prou tout le monde a recours à ces outils. Récemment, j’ai même été estomaqué d’apprendre qu’une amie, professeur des écoles, confiait à ChatGPT la rédaction des réponses aux messages des parents d’élèves. « Je gagne un temps précieux » m’a-t-elle dit, comme pourraient désormais me le dire beaucoup de collègues informaticiens. L’attention et l’humain y perdent ce que la productivité y gagne.

Aujourd’hui, en parcourant le blog de Zwindler, j’ai découvert le /ai manifesto proposé par Damola Morenikeji. Cette initiative m’a séduit et j’ai décidé d’y adhérer, publiant dans la foulée une page dans laquelle j’explique que ce site est réalisé sans outils d’IA générative.

Je ne sais pas ce qu’il en est pour vous, mais j’y mets personnellement un point d’honneur. J’ai moi-même arrêté de suivre des blogs que j’appréciais le jour où j’ai compris que leur auteur avait cédé aux sirènes des IA génératives. À ce sujet, le diagnostic reste facile à poser :

  • accroissement surprenant de l’activité (un des auteurs est passé de un à deux articles mensuels à un article quotidien) ;
  • articles mécaniques, ayant tous la même structure (une introduction et une conclusion séparées par trois à quatre sections composées chacune d’une introduction, de deux courts paragraphes et d’une synthèse qui ânonne les assertions de l’introduction) ;
  • changement radical du style d’écriture, disparition soudaine des fautes d’orthographe ;
  • disparition de toute subjectivité, de toute anecdote, de tout retour d’expérience, de toute prise de position.

Pourquoi devrais-je perdre du temps à lire des articles que personne n’a pris soin d’écrire et qui ne transmettent rien de personnel ? Je leur préfère de loin les fautes d’orthographe et l’humanité d’auteurs de chair et de sang.