Le texte qui suit est la reproduction de « Sébastien Dinot se présente », une courte biographie que j’ai rédigée en février 2010 dans le cadre d’une série de présentations des membres actifs de l’April, association dont j’étais alors le vice-président. Initiative lancée à la demande des adhérents, elle devait leur permettre d’associer un visage et une histoire à des « inconnus familiers ».

En 1983, dans un banal collège public de Bretagne, un professeur de mathématiques en avance sur son temps convainquit son vieux proviseur que la maîtrise de l’outil informatique allait devenir une compétence essentielle et qu’il était du devoir de l’Éducation Nationale d’y préparer les nouvelles générations. Alors que le plan national « Informatique Pour Tous » n’existait pas encore, ce collège s’équipa donc d’ordinateurs et ce professeur passionné initia ses élèves à la programmation. J’avais alors treize ans et la chance d’être l’un de ses élèves. Tout en m’enseignant les mathématiques et la rigueur de raisonnement, il me fit découvrir ma voie. Je lui en serai à jamais reconnaissant.

Apprenant la programmation en autodidacte, je ne voyais pas alors la nécessité d’orienter mes études vers une filière informatique. Je suivis donc mon goût pour les sciences exactes et optai pour la physique et l’électronique, sans jamais perdre de vue l’informatique. Mais, quelques années plus tard, me voyant refuser des postes de développeur pour manque de diplôme dédié, je complétai ma formation par un BTS « d’analyste-programmeur en informatique industrielle ».

En 1998, voulant m’initier à Unix, je découvris le logiciel libre au travers du système GNU/Linux et ce fut le coup de foudre. Convaincu par ses qualités techniques et séduit par son mode de développement et les valeurs qui le sous-tendent, je ne tardai pas à rejoindre l’association April pour contribuer à sa promotion. En 2000, la société Idealx me permit de faire de ma nouvelle passion – le logiciel libre – un métier (merci Nat).

J’ai fini par quitter Idealx et Paris pour rejoindre Toulouse. Marié à une délicieuse italienne qui m’empêche de devenir un « vieux con », père de deux enfants, je travaille aujourd’hui pour le département « Information Géographique et Image » au sein de la division « Espace et Renseignement » de la société CS.

J’utilise des logiciels libres depuis 12 ans, dont 10 de manière quasi-exclusive et ils satisfont l’essentiel de mes besoins. L’accès au code source, la possibilité de pouvoir bricoler mon système – quitte à le casser momentanément – m’ont permis d’acquérir une compétence qui fait aujourd’hui ma valeur sur le plan professionnel. Au fil du temps, j’ai lié connaissance avec de nombreux développeurs du libre dont les auteurs de certains logiciels que j’utilise et cela a changé ma relation à l’outil. Je me suis approprié les logiciels libres comme jamais je ne m’étais approprié mes outils auparavant. Le rapport de bogue, la formulation d’un souhait d’évolution, les demandes diverses et variées d’assistance et, en retour, l’aide aux personnes moins expérimentées, la publication de maigres contributions, sont devenus des réflexes, sources d’une grande satisfaction. La signature de mes mails privés indique « Ne goûtez pas au logiciel libre, vous ne pourriez plus vous en passer ». Cela ressemble à une boutade, mais c’est ainsi que je ressens les choses.

Au-delà du logiciel, le libre accès à l’information et au savoir – qui passe par des données et de l’information libres, accessibles au travers de formats et de protocoles ouverts – est à mes yeux un enjeu de société. L’humaniste que je suis est en effet convaincu que les progrès de la technique et de la société, l’émancipation des individus passent par l’éducation et l’exercice du libre arbitre. Cet exercice nécessite une information fiable et donc la transparence de la chaîne de production, de transformation et de diffusion de l’information.

Aspirer à un modèle de société humaniste, c’est bien, apporter sa pierre à l’édifice, c’est mieux. Comment ? La facilité aurait dû me conduire à produire du code puisque le développement est l’une de mes activités favorites. Mais je ne me débrouille pas trop mal pour défendre les idées en lesquelles je crois et j’ai rapidement constaté que cette aptitude était plus précieuse : si je ne code pas un logiciel, ce n’est pas grave, un autre le codera mieux que moi. Par contre, nous ne sommes pas si nombreux à pouvoir nous faire les avocats du libre et nous sommes encore moins nombreux à le vouloir. J’ai donc décidé de me consacrer à la promotion du libre au travers de l’April (au conseil d’administration depuis 1999, secrétaire de 2003 à 2009, vice-président depuis 2010).

Pour autant, le passionné que je suis n’a pas complètement tourné le dos à la technique. Il n’est pas rare que je code un petit truc dans mon coin « pour voir », pour vérifier que j’ai bien compris un « algo », une technique ou tout simplement pour satisfaire un besoin personnel. Rien qui mérite d’être publié. En mai 2009, un ami m’a convaincu de contribuer au projet OpenStreetMap que je suivais de loin depuis sa création en 2004. Je cartographie désormais à tout va et je m’amuse comme un gamin. Car voilà bien l’autre moteur de mon implication : le plaisir.