Conseils de lecture
Si je ne devais en garder que quelques uns…
Je ne vais pas lister ici tous les livres que j’ai aimés – il y en aurait beaucoup – mais ceux qui m’ont vraiment influencé ou inspiré, ceux qui m’ont permis de mieux comprendre le monde et de me construire.
Les nouveaux pouvoirs
Alvin Toffler, Fayard, 1991, titre original : Powershift, 1990
Fiche du livre sur le site Babelio
Alvin Toffler est sans doute le plus célèbre des futurologues et le premier (à moins que ce ne soit Heidi, son épouse très impliquée dans les ouvrages signés par son mari) à avoir compris l’impact qu’allait avoir sur nos vies et notre société l’avènement de l’ère de l’information.
Paradoxalement, si vous lisiez ce livre aujourd’hui, vous vous diriez que ce bonhomme ne fait qu’enfoncer des portes ouvertes et égrainer les évidences. Et c’est bien là la force d’Alvin Toffler, car lorsqu’il a entamé l’écriture de Powershift en 1990, le World Wide Web n’existait pas encore et Internet, alors inconnu du grand public, ne ressemblait en rien à l’outil indispensable qu’il est aujourd’hui. Mais Alvin Toffler avait anticipé l’essentiel du « réseau des réseaux », des « agents » qui allaient collecter, transformer, enrichir et personnaliser – pour le meilleur et pour le pire – l’information, et des usages qui sont les nôtres aujourd’hui. J’en suis convaincu, Powershift est le livre de chevet des fondateurs de Google (entreprise créée huit ans après la sortie de Powershift).
En 1992, sa découverte a été pour moi une véritable révélation.
Petit traité des grandes vertus
André Comte-Sponville, PUF, 1995
Fiche du livre sur le site de l’éditeur
André Comte-Sponville est la première personne à ne pas m’avoir fait fuir en me parlant de morale. Mieux, en formalisant des valeurs que j’avais inconsciemment fait miennes, en me faisant prendre du recul sur la politesse (un semblant nécessaire de vertu), le courage, la fidélité et l’amour, il m’a permis de me construire une éthique laïque. C’est vous dire combien ce livre a compté pour moi. Et pour mieux en saisir l’esprit, voici un extrait du quatrième de couverture :
Il ne s’agit pas de donner des leçons de morale, mais d’aider chacun à devenir son propre maître, comme il convient, et son unique juge. […] Il n’y a pas de Bien en soi : le bien n’existe pas, il est à faire et c’est ce qu’on appelle les vertus.
J’ai relu plus d’une fois cet essai et je lui trouve toujours autant de force. J’ai lu et apprécié d’autres œuvres, pamphets et articles d’André Comte-Sponville (dont L’esprit de l’athéisme, Albin Michel, 2006) mais aucun qui ait la force inspiratrice du Petit traité des grandes vertus.
Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens
Robert-Vincent Joule, Jean-Léon Beauvois, PUG, 1987, version remaniée éditée en 2002
Fiche du livre sur le site de l’éditeur
La manipulation au quotidien, celle par laquelle on amène une personne à faire ce que l’on veut qu’elle fasse, je n’en ai pris conscience que tardivement, en observant le directeur financier de l’entreprise pour laquelle je travaillais alors. En étant témoin (et non partie prenante) d’entretiens, de discussions d’apparence anodines, j’ai réalisé que ce type avait un don pour renverser la situation à son avantage et déstabiliser tout en douceur les porteurs de revendications. Et bien évidemment, ceux dont il se jouait ne percevaient même pas la manipulation. Je fus vite convaincu que je devais moi aussi me faire mener par le bout du nez sans pour autant voir comment je pouvais m’en protéger autrement qu’en ruminant longuement chacune de ses phrases avant d’y répondre, exercice des plus difficiles dans le feu d’une réunion. Lorsque je suis tombé quelques années plus tard sur le livre de Robert-Vincent Joule et Jean-Léon Beauvois, fraîchement remanié et réédité, j’ai donc sauté dessus.
Cet essai est passionnant et vous donne un autre regard sur une multitude de situations du quotidien. Si un kit d’auto-défense était fourni aux citoyens, ce livre en ferait partie.
Pour autant, il est aussi terriblement frustrant, car il démontre une réalité perturbante et dérangeante pour le passionné et le militant que je suis : plus une personne est éduquée et cultivée, plus elle est passionnée et impliquée dans la vie et le devenir de la société, plus elle est facile à manipuler, car plus elle offre de cordes à faire vibrer pour un artiste de la manipulation…
Du contrat social
Jean-Jacques Rousseau, 1762
J’ai lu une première fois ce livre au lycée et, sans doute parce que j’étais trop jeune, parce que c’était une lecture imposée et non une lecture choisie, il m’a laissé totalement indifférent. Mais lorsque, quelques années plus tard, je me suis intéressé à la philosophie et à la politique et que j’ai tenté de comprendre les rouages de la société, je suis tombé sur des références récurrentes au livre de Jean-Jacques Rousseau. J’ai donc décidé de le relire et là, je n’ai pas compris comment j’avais pu passer à côté la première fois !
Du contrat social est un traité de philosophie politique dans lequel l’auteur présente les fondements d’un ordre social légitime et au service de l’intérêt général. Pour Rousseau, cet ordre social repose nécessairement sur un pacte tacite garantissant à tous les citoyens l’égalité, la liberté civile et la sécurité en échange de l’abandon de leur liberté naturelle (celle octroyée notamment par la force) et sur l’exercice du pouvoir par le peuple pour le peuple (d’où la notion de peuple souverain). De là naît la démocratie ou plus exactement, la république démocratique puisque Rousseau explique fort bien que la démocratie directe ne peut fonctionner qu’au sein d’une communauté restreinte.
Après cette lecture, on comprend mieux la raison d’être et la légitimité de nos institutions. Il n’est pas étonnant que ce livre ait inspiré les idées révolutionnaires. La pensée de Jean-Jacques Rousseau a 250 ans mais elle garde toute sa force et sa pertinence ; il est bon parfois de revenir aux sources…
Mais d’autres m’ont marqué
Les livres qui suivent sont moins essentiels à mes yeux que les précédents mais leur lecture m’a particulièrement marqué.
Le monde de Sophie
Jostein Gaarder, 1995, titre original : Sofies verden, 1991
Si je fais ici mention de cette histoire romancée de la philosophie, c’est moins pour ce qu’elle est – un roman original et prenant – que pour ce qu’elle a déclenché chez beaucoup de lecteurs, à commencer par moi : une envie de découvrir et de lire des philosophes.
La fabrique de l’opinion publique
Noam Chomsky, Edward Herman, Le Serpent à Plumes, 2003, titre original : Manufacturing consent, 1988
Noam Chomsky et Edward Herman nous révèlent dans cet essai comment l’État américain et les lobbies fabriquent avec la complicité des médias, les bons et les méchants, les victimes et les tyrans, dans l’opinion publique. Chiffres et références à l’appui, ils montrent la distorsion entre la réalité des faits et leur traitement par les médias américains. En mettant en exergue ces manipulations historiques, ils éveillent notre sens critique et nous apprennent à être plus vigilants envers l’information officielle.
La nouvelle société du coût marginal zéro
Jeremy Rifkin, Les liens qui libèrent, 2014, titre original : The Zero Marginal Cost Society: The Internet of Things, the Collaborative Commons, and the Eclipse of Capitalism, 2014
Le titre complet de cet essai de Jeremy Rifkin est « La nouvelle société du coût marginal zéro – L’internet des objets, l’émergence des communaux collaboratifs et l’éclipse du capitalisme ». Tout un programme !
Ce livre m’a laissé un sentiment mitigé. Le regard de Rifkin sur le capitalisme (menacé par excès d’efficacité), son analyse de la tension croissante sur les prix et de ses conséquences, sa perception des opportunités et mutations sociétales engendrées par Internet, m’ont semblé d’une extrême sagacité et m’ont pleinement convaincu. Avec une telle entrée en matière, je ne pouvais que recevoir avec bienveillance la suite de la thèse défendue par Rifkin, d’autant plus qu’il nous esquisse un avenir original et optimiste qui a tout pour me plaire. Mais c’est finalement cet optimisme inébranlable, la faiblesse de la réflexion sur la transition pourtant violente et imminente qu’annonce l’auteur, sur les efforts que feront sans compter les dominants actuels pour préserver leurs privilèges, qui ont fini par instiller le doute en moi. En refermant ce livre, je me suis dit que Rifkin nous dessinait un futur radieux mais que ce futur n’était que l’un des futurs possibles et certainement pas le plus probable. Il n’en reste pas moins que cet essai m’a marqué et que sa première partie m’a fait entrevoir des perspectives originales, à la fois angoissantes et excitantes. Rien que pour cela, je n’hésite pas un seul instant à en conseiller la lecture.
Mes auteurs de romans préférés
Voici quelques auteurs dont la plupart des œuvres me procurent une grande délectation.
Boris Vian
Fiche de Boris Vian sur Wikipédia
Quand j’étais adolescent, je lisais des revues de vulgarisation scientifique, des encyclopédies et d’autres sources de savoir… Mais pas de romans (du moins, pas de mon propre chef). Un jour, j’ai croisé à la bibliothèque un lycéen un peu plus âgé que moi pour lequel j’avais une grande estime. Je lui ai demandé ce qu’il lisait ; il m’a répondu « Boris Vian ». Lui rétorquant que je ne connaissais pas cet auteur, il m’a regardé avec étonnement. Il s’est levé, a fouiné sur les étagères et m’a tendu un livre en me disant d’un ton autoritaire « Lis ça ! ». C’était L’Arrache-cœur. J’ai dévoré ce livre et dans la foulée toutes les œuvres – romans, nouvelles, poèmes, pièces de théâtre – de Boris Vian et de Vernon Sullivan qui me tombaient sous la main. Puis j’ai enchaîné avec Albert Camus et Jean-Paul Sartre et j’ai finalement pris goût à la lecture de romans.
Daniel Pennac
Fiche de Daniel Pennac sur Wikipédia
De Pennac, il faut lire les trois premiers tomes des aventures tendres et excentriques de Benjamin Malaussène Au bonheur des ogres, La fée Carabine et La petite marchande de prose mais aussi son essai Comme un roman et son roman autobiographique Chagrin d’école. Et comme Pennac écrit aussi pour les enfants, vous pourrez conseiller aux vôtres la lecture d’Ernest et Célestine.
Terry Pratchett
Fiche de Terry Pratchett sur Wikipédia
Peu d’auteurs peuvent se vanter d’avoir créé un style littéraire mais Terry Pratchett est de ceux-là ; on lui doit la « fantasy burlesque ». Si vous n’avez jamais eu le plaisir de suivre les tribulations de Rincevent ou de parcourir avec La Mort les confins du Disque-Monde, je vous invite à combler cette lacune dans les meilleurs délais en commençant bien évidemment par le premier tome, La huitième couleur.